Homélie de ce dimanche

Homélie du Père Bernard Héraud  dimanche 9 août 2020 –  19e dimanche ordinaire

N’ayez pas peur !

Parmi toutes les critiques adressées à l’Eglise catholique dans notre société, il y en a une qui revient souvent: l’Eglise a gouverné la société pendant des siècles par la peur. Peur de l’enfer qui a permis de peser sur la liberté de conscience, peur de l’enfer qui a obligé à adopter des comportements moraux très précis et à en bannir d’autres.

Depuis quelques dizaines d’années, il y a un retournement complet de perspective.
On se souvient du « N’ayez pas peur » de Jean-Paul II à l’ouverture de son pontificat; on considère souvent que cette parole a soulevé la chape de plomb qui permettait aux régimes communistes de perdurer malgré leurs échecs et leur barbarie.
Et aujourd’hui on voit les gouvernements « démocratiques » et les médias « éclairés » se servir sans aucun scrupule de la peur pour imposer des comportements collectifs jugés efficaces face au coronavirus. De même les écologistes sont aussi soupçonnés de manipuler la peur pour obliger la société à changer rapidement de modèle de développement. La modernité, après avoir fait le reproche à l’Eglise de se servir de la peur, n’a aucune gêne à faire la même chose et à grande échelle. On nous explique qu’il y a urgence, qu’on ne peut pas attendre d’hypothétiques évolutions de l’opinion pour opérer les changements indispensables car, à supposer même qu’on y parvienne, il sera trop tard face à la maladie ou à la pollution. La peur permet d’aller vite et droit au but, finalement de sauver l’humanité. La peur pour nous sauver… Tiens ! Tiens ! Mais c’était déjà le raisonnement pernicieux que l’on prêtait à l’Eglise: faire peur pour sauver. Comme dirait Qohèlèt dans la Bible on finit toujours par reproduire ce que l’on critique !

Dans l’Evangile de ce jour (Matthieu 14, 22-33) Jésus qui marche sur la mer, on voit bien tous les éléments de nos débats:

– Jésus marche sur la mer pour aller droit au but – rejoindre les disciples qui sont en difficulté dans leur barque – et il force ainsi la réalité;

– les disciples sont en difficulté à cause de la tempête, mais on ne nous dit pas qu’ils avaient peur de cette tempête (nous ne sommes pas dans le récit de la tempête apaisée);

– c’est Jésus qui leur fait peur en marchant sur la mer;

– St Pierre a une attitude juste, il demande à s’avancer vers Jésus, sort de la barque et marche sur les eaux à sa rencontre; il n’est pas un homme écrasé par l’événement car il sait que ce que Jésus fait il nous donne aussi de le faire (Jésus ne vient pas pour nous épater ou pour nous inquiéter, mais pour nous révéler notre dignité de fils de Dieu: Dieu nous donne tout ce qu’il est)

– St Pierre prend peur, non pas à cause de Jésus qui marche sur la mer, mais à cause de la force du vent (qui pourtant avant ne paraissait pas l’inquiéter particulièrement). Sa peur s’inverse !

Contre le coronavirus, contre la pollution, on nous assure aujourd’hui qu’on a le droit de se servir de la peur car c’est efficace et qu’il y a urgence. Mais nous le savons la fin ne peut jamais être définitivement dissociée des moyens que l’on prend pour y parvenir: de même qu’autrefois on ne pouvait pas abuser de la peur pour révéler l’amour de Dieu, de même aujourd’hui le discernement s’impose quant aux manipulations de l’opinion opérées par les gouvernements et les médias dans leur lutte contre le coronavirus et contre la pollution. La fin ne justifie pas tous les moyens. L’utilisation abusive de certains moyens peut polluer irrémédiablement la fin que l’on prétend rejoindre.

Bernard HERAUD